La matrice des pratiques ésotériques du RENSEP

De nos jours, les définitions sont un sujet épineux dans les sciences humaines. Les débats récents sur les catégories critiques dans l’étude des religions et sur le problème de l’essentialisme, en particulier, suggèrent que le temps des définitions monothétiques ou autrement substantialistes de l’ésotérisme, de l’occultisme, de la magie, ou de toute autre catégorie de base dans l’étude de la religion, est révolu. Le RENSEP opte donc pour une définition opérationnelle, heuristique et multifactorielle des pratiques ésotériques qui, tout comme une matrice typologique, combine quatre dimensions. La matrice reflète notre conviction que les pratiques ésotériques font partie intégrante de l’histoire des religions de manière plus générale, mais qu’il y a quatre éléments distinctifs qui aident à distinguer ces pratiques des autres types de comportement religieux : 1) contrôlabilité 2) individualisation 3) pouvoir; 4) expérience. Ces éléments distinctifs peuvent également être interprétés comme des positionnements sur chaque côté de quatre spectres polaires.

  1. Contrôlabilité
    Les pratiques ésotériques se caractérisent en général par une contrôlabilité des questions, des processus ou des rencontres spirituels, souvent à travers des techniques rituelles élaborées; à l’autre extrémité du spectre il y a la supposition que les questions spirituelles, les entités spirituelles externes, ou notre destin, sont en grande partie incontrôlables, pensée que l’on retrouve distillée dans le credo monothéiste « Que ta volonté soit faite ».
  2. Individualisation
    Les pratiques ésotériques mettent généralement l’accent sur la volonté individuelle, sur le développement de soi et sur des formes individualisées de recherche de la vérité spirituelle; à l’autre extrémité du spectre, on se focalise sur le collectif, les communautés religieuses ou les traditions, et sur le respect des normes respectives et des revendications de vérité.
  3. Pouvoir
    Les pratiques ésotériques ont tendance à attribuer un pouvoir important ou une capacité d’action rituelle au praticien ; à l’autre extrémité il y a l’attribution du pouvoir aux acteurs externes, institutions ou entités, par exemple, les prêtres, les églises, ou Dieu.
  4. Expérience
    Les pratiques ésotériques mettent généralement l’accent sur les expériences personnelles qui, au fil du temps, peuvent conduire au développement de systèmes élaborés de connaissances basées sur l’expérience, et de stratégies de secret en raison de la nature ineffable de ces expériences; à l’autre extrémité il y a la croyance plus ou moins indiscutée en des doctrines données ou des revendications de vérité de communautés ou de chefs religieux, dépourvue de toute expérience personnelle intense.

L’équipe du RENSEP estime que, malgré les ambivalences, cette définition opérationnelle multifactorielle aide à identifier les pratiques ésotériques au sein et au-delà des grandes traditions et institutions religieuses. La matrice peut être utilisée de façon pragmatique pour vérifier si un cas particulier ou une pratique peut être considéré comme ésotérique – et donc en rapport avec la mission du RENSEP – selon son positionnement sur les quatre spectres mentionnés ci-dessus. L’application et la mise au point de cette matrice représentent un effort continu et partagé, c’est pourquoi nous espérons recevoir des commentaires constructifs, des critiques ainsi que des suggestions d’amélioration de la part de tous les membres du RENSEP.